Commentaire
A la fin du XIXe siècle, la danse connaît dans les textes une fortune sans précédent: poèmes, nouvelles et romans par centaines célèbrent les danseuses, qui deviennent l'objet de représentations fascinées. Princesses gouailleuses du french-cancan, aimées orientales et ballerines en tutu constituent pour les écrivains un enjeu proprement littéraire. Leur art du silence suggestif les voue aux libres interprétations des naturalistes, des symbolistes et des décadents. Mais un examen rapproché des textes révèle que ces courants littéraires, traditionnellement distingués par la critique, ont des frontières labiles. Considérés à l'aune des écrits sur la danse, ils peuvent être remis en question: maints écrivains de l'époque les font coexister sans vergogne dans leur œuvre. La cohérence intime de l'imaginaire fin-de-siècle en matière de chorégraphie se situe donc au-delà des coteries littéraires: dans une interrogation inquiète sur le langage et l'écriture. Langage sans paroles, écriture sans traces, la danse est, dans l'imaginaire mélancolique et crépusculaire de 1900, le lieu d'une réflexion sur l'avenir incertain de la littérature.