Commentaire
Il est superflu de présenter Serge Lifar : peu d'artistes ont conquis à ce point, et mérité, l'estime du public. Cette célébrité suffirait à justifier l'intérêt des Mémoires d'un homme qui a profondément marqué l'art de la danse ; car non content d'être, avec Nijinski, le meilleur danseur de notre époque, Serge Lifar s'est affirmé l'un des choréauteurs les plus originaux, toujours soucieux de maintenir vivant un héritage et d'harmoniser ses différentes expressions dans le temps et dans l'espace.
Pourtant, ce qui fait de MA VIE un document fort remarquable, c'est davantage encore l'étonnante faculté qu'a toujours eue Lifar d'être sur la brèche, au centre précis de l'événement. C'est peu de dire qu'il a connu toutes les célébrités contemporaines de l'art et de la politique, il est le témoin privilégié de son temps.
De Diaghilev à Churchill, de Valéry à Hitler, de Picasso à de Gaulle, sa galerie de portraits est presque inépuisable. MA VIE devient alors le plus passionnant des romans d'aventures vécues — le plus passionnant et le plus précieux : c'est ainsi qu'il sera difficile d'écrire désormais sur l'occupation allemande à Paris sans consulter le livre de Lifar.
N'oublions pas enfin que le regard d'un Slave est toujours singulier ; en sorte que paraissent neuves, des choses que l'on croyait connues. Pour notre étonne- ment et pour notre plaisir.