Commentaire
J'ai eu le bonheur de rencontrer Strawinsky pendant les dix dernières années de sa vie. C'était pour une heure ou deux, ou bien pour des après-midi, des soirées entières. Je l'ai rencontré en compagnie de quelques personnes de son entourage et parfois seul à seul. En l'écoutant, en le voyant vivre, on pouvait penser à toutes sortes d'animaux fabuleux : la race des grands fauves, l'élégance du félin, terrible avec les autres tigres et au contraire, avec les petits, doux comme un chat, la hauteur de l'aigle au regard per¬çant, l'aisance du caméléon jouant sur un manteau d'arlequin, l'éclat du poisson qui vous glisse dans les mains, la ruse du serpent qui vous pique au talon. A cette époque, le vieux Maître était octogénaire et j'avais vingt-cinq ans : je me trouvai devant un personnage colossal, effrayant, dont la moindre pa¬role, décision ou prise de position faisait trembler le monde de la musique d'est en ouest." (Mario Bois)