Commentaire
lepuis les années 1980, dans nombre de démocraties occiden-tales, la représentation politique est en crise. De la « faillite des institutions » à l'« affaissement de la nation » en passant par le « communautarisme », bien des explications sont avancées. Et s'il fallait cher¬cher ailleurs ? C'est l'hypothèse provocante qu'explore Daniel Bougnoux dans ce livre singulier : on ne peut comprendre la crise de la représentation politique sans l'inscrire dans celle, bien plus large, qui affecte depuis plus d'un siècle la notion même de « représentation ».
Preuves à l'appui, puisées dans un corpus impressionnant d'œuvres littéraires et artistiques, l'au¬teur montre comment les avant-gardes du xxe siècle ont progressivement sapé les effets de la « mise à distance », du détour par l'ordre symbolique. Hier, le théâtre, la peinture ou le cinéma proposaient une coupure nette entre l'illusion et le monde réel ; la culture fondée sur le livre contenait ce réel à bonne distance, en refoulant la présence des corps derrière des représentations plus abstraites.
Aujourd'hui, passant du livre au live, les nouveaux médias nous invitent au festin d'une vie immédiate, au commerce des « coups » et à la contagion des passions. La presse semble toujours plus pres¬sée, l'art cherche sur les corps une emprise directe, les spectacles deviennent contacts et notre société se frag-mente en communautés réduites aux affects...
Mais les effondrements symboliques liés à ces mutations ne cachent-ils pas la difficile naissance de formes nouvelles, où l'individu démocratique aurait toute sa place ?