Commentaire
La vie de Marise Damien, dite Damia (1889-1978), fut roma¬nesque et sulfureuse. Née à Paris dans un milieu populaire, Damia affirme très tôt son goût de l'indépendance ; adolescente rebelle, elle fréquente les milieux interlopes qui se mêlent à Paris, joyeuse capi¬tale de la fête et du plaisir à la veille de la Grande Guerre. Elle danse, chante. On la remarque, et cette beauté intemporelle devient au temps des Années folles une véritable idole dont la célébrité dépasse les frontières de l'hexagone. Sur scène, son jeu envoûte. Damia a inventé sa propre dramaturgie, marquée par l'expressionnisme allemand : elle a le geste épuré, son corps drapé de noir mis en lumière, le regard magnétique saisissant l'auditoire subjugué par sa voix grave et mélancolique qui fait merveille dans La Veuve ou Les Goélands. Juliette Gréco et Barbara lui doivent beaucoup, moins cependant qu'Edith Piaf qui a tout pris d'elle, surtout à ses débuts. Actrice, elle tourne avec Abel Gance et Sacha Guitry.
Femme hardie, Damia est aussi vulnérable : elle s'adonne à l'opium, à la cocaïne et boit trop. Maîtresse de la danseuse Loïe Fuller, de la décoratrice Eileen Gray, elle s'étourdit avec des amants d'un jour, parfois pygmalions inspirés. Proust la connaît, Mauriac ira l'écouter à Bobino et Colette la fréquente, ainsi que Federico Garcia Lorca, Simenon ou Jean Genet qui s'en inspire pour camper sa Divine dans Notre-Dame des Fleurs.
Grâce à de nombreux inédits, Francesco Rapazzini dévoile dans cette première biographie de Damia le destin extraordinaire de la grande chanteuse réaliste. Sous sa plume surgissent une époque et un monde, le music-hall, où se côtoyaient sans façon artistes, hommes politiques, écrivains, peintres...