Commentaire
(Ré)habilités au début des années quatre-vingt par leur entrée dans la sphère des arts subventionnés, les musiciens de jazz évoluent aujourd'hui en France dans un environnement incertain. Si ce change¬ment contribue à un certain assainissement de l'économie du jazz, il procède aussi d'une « normalisation » qui en altère profondément l'identité. Traversé par des clivages stylistiques et générationnels, le jazz français semble ainsi pris en étau entre la perspective d'une mar¬ginalisation subventionnée, sur le modèle de l'avant-garde des arts savants, et la perspective plus vraisemblable d'une « tertiarisation » de l'activité des musiciens, à travers l'essor des services culturels d'enseignement et d'animation. Encouragée par les pouvoirs publics culturels, l'affirmation du jazz hexagonal est du reste limitée par les caractéristiques du « marché » du jazz, marché de la nostalgie dominé par les figures emblématiques du patrimoine discographique du jazz américain.
Issu d'une série d'entretiens menés sous l'angle de la sociologie du travail artistique, ce livre analyse les formes particulièrement aty¬piques d'emploi qu'expérimentent aujourd'hui les musiciens de jazz français (mêlant les résidus d'économie informelle de l'univers tradi¬tionnel des clubs et les emplois « normés » du domaine de la culture subventionnée) et l'influence qu'elles exercent sur l'évolution des formes musicales.